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Entre Souvenirs et Réveils

  Le lendemain matin, alors que le soleil de juin per?ait doucement à travers les hautes fenêtres de la salle à manger, une lumière dorée inondait l’espace, révélant les vestiges d’une fête qui avait consumé la nuit. Les rayons caressaient les guirlandes de fleurs suspendues au plafond, leurs pétales de jasmin et de chèvrefeuille légèrement flétris oscillant dans une brise tiède qui s’infiltrait par les portes grandes ouvertes. Les tables, encore encombrées de verres à moitié vides où perlaient des gouttes de vin tiédi, étaient parsemées de miettes de gateaux aux fruits et de zestes d’orange oubliés. L’air vibrait d’un mélange entêtant : la douceur sucrée des melons m?rs, l’ar?me aigrelet du vin renversé, et le parfum capiteux des roses qui s’épanouissaient dans les jardins voisins, leurs corolles rouge sang brillant sous la rosée matinale.

  Dans ce décor désordonné, les visages des étudiants portaient les stigmates d’une nuit sans sommeil, mais aussi la lueur d’une joie partagée. Dorian, encore hébété, s’était retrouvé dans la suite de Ki, affalé sur un fauteuil de velours vert usé, ses cheveux chatains en bataille tombant sur ses yeux mi-clos. La chambre de la princesse de Qit, avec ses murs tendus de velours rouge sombre brodés de motifs floraux dorés et son samovar en argent terni par le temps, offrait un contraste saisissant entre son opulence austère et le désordre ambiant. Ki dormait paisiblement sur un sofa, un chale de lin léger drapé sur ses épaules, son souffle régulier comme une mélodie douce dans le silence. Peut-être avaient-ils partagé une conversation à c?ur ouvert sous la lueur vacillante des chandelles, ou peut-être Dorian, perdu dans ses pensées, avait-il cherché auprès d’elle un refuge, un ?lot de calme dans la tempête qui l’agitait encore.

  Sven reposait dans la suite d’Eléonore, un espace aux teintes sobres de gris perle et de blanc cassé, où des piles de livres s’alignaient sur des étagères sculptées et des gravures délicates ornaient les murs, reflétant son amour de l’ordre et de la réflexion. étendu sur un canapé près de la fenêtre, il semblait apaisé, un bras musclé pendant mollement sur le c?té, ses cheveux bruns en désordre captant les premiers rayons du soleil. Eléonore, assise à son bureau d’acajou, feuilletait un carnet d’un air absent, ses traits creusés par la fatigue mais son regard toujours vif. Leur complicité, tissée dans les rires et les éclaboussures de la piscine, flottait dans l’air comme une brise invisible, une sérénité inattendue après une nuit si débridée.

  Au centre du salon principal, Hélène gisait sur un sofa damassé, sa robe légère encore humide collant à sa peau halée. Une jambe pendait négligemment sur l’accoudoir, et ses cheveux dorés, d’ordinaire tressés avec soin, s’étalaient en un chaos soyeux autour de son visage endormi. Cette posture, si peu conforme à l’élégance impériale qu’elle incarnait, révélait une vulnérabilité rare – un abandon qui trahissait combien elle s’était laissé emporter par la fête, oubliant pour quelques heures le poids écrasant de son titre.

  Mero, lui, n’avait pas fermé l’?il. Assis près d’une fenêtre ouverte, il laissait la brise d’été caresser son visage, portant avec elle l’odeur saline des souvenirs de Sel et le parfum terreux des pelouses humides. Ses yeux rouges et br?lants fixaient un point invisible au-delà des jardins verdoyants, où les haies taillées en vagues et les massifs de lavande violette dansaient sous la lumière naissante. La nuit avait été un tourbillon d’émotions – les rires tonitruants autour de la piscine, les danses endiablées sous les chandeliers, les éclaboussures scintillant comme des étoiles liquides – mais une fatigue étrange l’habitait, mêlée d’un sentiment d’inachevé. Ses pensées revenaient sans cesse à Mandarine, à son rire rauque qui résonnait comme une tempête lointaine, à ses yeux noirs qu’il n’avait pas croisés depuis trop longtemps. La fête était finie, mais ce qu’elle laissait derrière elle – des liens renforcés, des doutes amplifiés – pesait sur son c?ur comme une vague retenue, prête à déferler.

  Alors que le soleil grimpait dans un ciel d’azur sans nuages, les serviteurs s’activaient dans l’école avec une efficacité presque mécanique. Leurs balais de paille raclaient les dalles de marbre tièdes, effa?ant les traces poisseuses de vin et les confettis éparpillés comme des pétales fanés. D’autres, en tabliers gris, redressaient les chaises renversées, leurs pieds grin?ant sur le sol, et repliaient les nappes froissées en piles impeccables. Leur présence silencieuse contrastait avec l’exubérance de la nuit passée, comme si l’ordre reprenait ses droits sur un chaos désormais éteint. Les étendards aux couleurs des maisons – bleu profond pour Sel, rouge ardent pour Fer, or pale pour Qit – ondulaient doucement dans la brise matinale, seuls vestiges d’une célébration qui s’effa?ait peu à peu.

  Mero, les yeux rougis par une nuit sans repos, observait cette scène depuis un coin reculé de la salle. Chaque geste des serviteurs – un chiffon glissant sur une table tachée, un plateau d’argent ramassé avec soin – semblait effacer un fragment de la fête, ramenant l’école à sa discipline habituelle. Pourtant, dans son esprit, les échos de la soirée persistaient comme une mélodie entêtante : les cris joyeux près de la piscine, le sourire fugace d’Hélène lorsqu’elle avait plongé avec une grace inattendue, la complicité dans les regards échangés entre Sven et Eléonore sous les lanternes vacillantes. Ce contraste entre le nettoyage méthodique et le tumulte de ses pensées creusait un vide en lui, une sensation de fuite avortée face aux questions qui le hantaient.

  Le bruit des balais, un frottement rythmique et sourd, se mêlait aux murmures étouffés des servantes, un fond sonore qui semblait venir d’un autre monde. Il se demanda si cette journée marquerait un tournant – non pas pour l’école, qui retrouverait bient?t son éclat austère, mais pour lui. Mandarine, une ombre persistante dans son esprit, revenait encore et encore, son visage se superposant aux images floues de la nuit. Avait-il vraiment profité de la fête, ou s’était-il perdu dans un labyrinthe de doutes ? Les serviteurs poursuivaient leur tache, indifférents à son regard fixe, et il se leva lentement, ses jambes lourdes, décidé à marcher pour chasser cette brume intérieure.

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  Les jardins de l’école, baignés d’un soleil éclatant, offraient un tableau vivant sous le ciel de juin. L’air frais du matin portait le parfum entêtant des roses écarlates et de la lavande en pleine floraison, leurs tiges violet pale frémissant dans la brise. Les pelouses, d’un vert profond et luisant sous la rosée, s’étendaient comme un tapis jusqu’aux haies taillées en arcs élégants, tandis que des massifs de pivoines blanches et roses bordaient les allées de gravier clair. Mero avan?ait à pas lents, ses bottes crissant doucement sur les pierres chauffées par le soleil, tandis que des éclats de rire résonnaient au loin. Quelques groupes d’élèves, gar?ons et filles aux tuniques froissées, poursuivaient la fête à leur manière, gloussant et échangeant des récits exagérés sous l’ombre tachetée des chênes centenaires, leurs branches chargées de feuilles d’un vert vif.

  Pour Mero, cette jovialité sonnait comme un écho distant, presque irréel. Sa fatigue, un poids qui alourdissait chaque pas, creusait un fossé entre lui et leurs rires insouciants. Il se sentait à part, un observateur désaccordé dans une symphonie qu’il ne pouvait plus suivre. Leurs voix s’évanouirent peu à peu alors qu’il s’enfon?ait dans une allée bordée de cyprès élancés, leurs cimes pointues découpant le ciel bleu. Le chant strident des cigales, nichées dans les feuillages, et le bourdonnement affairé des abeilles autour des fleurs prenaient le relais, une mélodie naturelle qui aurait d? l’apaiser. Mais une tension persistante le suivait, un n?ud dans sa poitrine qu’il ne parvenait pas à défaire. était-ce Mandarine, dont l’absence pesait plus lourd que jamais ? Les choix qu’il remettait toujours à plus tard ? Ou l’épuisement qui brouillait ses sens, transformant chaque pensée en un écheveau inextricable ?

  Il s’arrêta près d’une fontaine nichée dans un bosquet, son bassin de pierre blanche scintillant sous les rayons du soleil. L’eau jaillissait en un jet gracieux, ses gouttelettes captant la lumière en arcs-en-ciel fugaces avant de retomber dans un murmure apaisant. Les saules pleureurs qui l’entouraient laissaient leurs branches effleurer la surface, leurs feuilles vert tendre frémissant dans la brise. Ce coin du jardin, avec ses couleurs vibrantes et ses sons doux, offrait une sérénité presque tangible, mais elle glissait sur lui sans l’atteindre. Il fixa les reflets dansants dans l’eau, cherchant une réponse dans leur mouvement incessant, mais son esprit restait prisonnier de ses ombres.

  Plus loin, l’atmosphère changea alors qu’il longeait les batiments en construction. Les bruits des marteaux claquant contre le bois et des scies mordant les poutres résonnaient dans l’air, un rythme soutenu qui contrastait avec la douceur languide des jardins. L’incendie de l’année passée, qui avait réduit des ailes de l’école en cendres, semblait un souvenir lointain sous ce ciel éclatant. Les nouvelles structures s’élevaient avec une vigueur brutale : des poutres de chêne fra?chement coupées, encore odorantes de sève, soutenaient des murs de pierre blonde taillée, leurs surfaces rugueuses scintillant sous la lumière crue. Des ouvriers, torse nu sous la chaleur, s’affairaient avec une précision méthodique, leurs cris brefs ponctuant le vacarme des outils.

  Mero s’arrêta pour observer, un mélange de satisfaction et de mélancolie dans le regard. Il avait joué un r?le dans ce projet, ses idées et ses efforts se cristallisant dans ces fa?ades naissantes. Les ruines noircies, fragiles et hantées par le passé, cédaient la place à une solidité neuve, un symbole de résilience qui trouvait un écho en lui. Les toits, encore à moitié couverts de tuiles rouges, luisaient comme des braises sous le soleil, et les fenêtres, encore vides de vitres, offraient une vue sur un ciel d’un bleu pur, sans limites. Ces batiments seraient prêts pour la rentrée prochaine, un renouveau tangible pour l’école – mais pour lui ? était-ce aussi un nouveau départ, ou juste une étape de plus dans une quête qu’il ne comprenait pas encore ? Les ouvriers poursuivaient leur labeur, leurs silhouettes floues dans la poussière soulevée par le vent, et il reprit sa marche, l’esprit tourbillonnant comme les grains dorés autour de lui.

  La salle de bal se dressait bient?t devant lui, ses grandes fenêtres captant la lumière matinale en reflets éblouissants. Mero s’arrêta net, un frisson le traversant alors qu’un souvenir jaillissait avec une clarté brutale. C’était ici, lors de sa première année, que Mandarine avait surgi sans crier gare, une tempête dans sa vie ordonnée. Il revoyait son sourire audacieux, ses cheveux noirs parfaitement coiffés qui détonnait avec ses cheveux normalement ébouriffés par le sel marin, et ce baiser – impulsif, br?lant – qui avait scellé un lien qu’il ne savait plus définir. La salle, silencieuse sous le soleil de juin, semblait vibrer de cet instant, ses murs de pierre blonde et son parquet poli gardant l’empreinte d’une nuit où le monde s’était réduit à eux deux.

  Il entra, ses pas résonnant dans l’espace vide. La lumière douce filtrait à travers les vitres, projetant des ombres mouvantes sur le sol où ils avaient dansé, ri, puis partagé ce geste qui avait tout bouleversé. Les rideaux de lin blanc, agités par la brise, fr?laient les murs comme des fant?mes, et l’air portait une odeur légère de cire et de bois chauffé par le soleil. Aujourd’hui, la distance entre eux semblait un ab?me, creusé par les silences, les doutes, et les responsabilités qui s’étaient accumulées comme des vagues sur un rivage. Ce souvenir, aussi précieux soit-il, était teinté d’une amertume nouvelle – que restait-il de ce lien ? Que signifiait ce baiser, maintenant ? Il s’arrêta au centre de la pièce, le regard perdu dans les rayons dorés, comme si la salle pouvait murmurer une réponse.

  épuisé, Mero regagna sa suite, ses pas lourds sur les dalles tièdes du couloir. Les murs bleu profond, ornés de vagues brodées et de coquillages argentés scintillant sous la lumière, l’enveloppèrent comme une mer familière. Sans même ?ter ses vêtements encore humides à cause de la piscine il s’effondra sur son lit à baldaquin. Le lin azur accueillit son corps las, et le sommeil l’engloutit presque instantanément, un oubli bienvenu après une nuit de veille. Les bruits du dehors – les rires lointains des élèves, le chant strident des cigales, le murmure des fontaines – s’évanouirent, et son esprit, enfin apaisé, plongea dans un néant doux et profond.

  Le lendemain matin, la lumière tendre de l’aube filtra à travers les rideaux légers, ses rayons dansant sur les motifs marins de la pièce. Mero ouvrit les yeux, le corps encore engourdi mais l’esprit plus clair, une paix fragile s’installant en lui comme une marée montante. La brise tiède glissait par la fenêtre entrouverte, portant l’odeur saline de Sel et le parfum sucré des jardins en fleurs. Il inspira profondément, prêt à laisser cette quiétude l’envelopper – quand soudain, une sensation étrange le traversa. Une main légère, presque irréelle, caressait son visage, effleurant sa joue avec une douceur qui le fit sursauter. Il se redressa d’un bond, le c?ur battant à tout rompre.

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