Sinistres vestiges d'un temps passé, enfouis dans les nuages persistant, perdus dans le creux d'une montagne inaccessible au commun des mortels. Les ruines d'un chateau mystérieux n'étant plus que l'ombre de ce qu'il était. Cette demeure appartenait à un puissant archimage du nom de Zaodja. Il y coulait une source d'eau surnaturelle qui serpentait le long du plateau, servant aux besoins des hommes et également le déplacement des charges trop lourdes. La lune parvenait aisément à éclairer ces amas de pierres, qui furent jadis somptueux. Ces rayons se reflétaient dans la rivière éternelle, offrant une luminosité amplifiée, ce qui permettait aux rares serviteurs de se mouvoir dans ces décombres.
Sur le toit de l'unique poivrière restante accrochée à la dernière tour encore intacte, deux minuscules yeux scrutaient l'horizon. La créature observait depuis quelques heures, cachée sous une tuile sortie de son logement. Elle remarqua la silhouette d'une personne courbée, marchant avec difficulté, semblant entamer un balai va-et-vient. La vieille intendante vêtue de guenilles dépareillées de couleurs sombres. Une femme aux cheveux d'un blanc gris, ayant des yeux enfoncés dans leurs orbites se dirigea vers la chambre du ma?tre. En prenant bien soin de pousser les décombres jonchés au sol, du bout de sa canne en bois de ronce.
Une tache noir et blanc se mit en mouvement, serpentant rapidement sur les tuiles remplies de mousse et de lichen. Elle descendit du toit aisément puis se faufila sur le mur en pierre blanche cramoisi. Un dragon, c'était par le passé, accroché sur cette tour, lacérant, de ses griffes puissantes, la structure elle-même. L'être bicolore s'y engouffra, restant toujours à l'abri des regards. La vieille dame allait franchir le palier dans quelques instants.
Lily ouvrit la porte et constata que Gorki, le scribe au nez démesurément long et aux oreilles en forme de feuilles de choux était présent. Un gnome rondouillard à la peau sombre, était assis sur l'unique chaise de la pièce. Il portait une salopette mono bretelle d'un bleu turquin et une chemise blanche usées. Ses minuscules yeux délavés par les nombreux siècles de servitude contemplaient le paysage par la fenêtre.
La femme rentra de son pas claudiquant, déposa sa canne sur le bord du lit et observa l'archimage endormi. Un homme grand, gracile, les cheveux longs de couleur noir de jais, parfaitement peignés, un visage que le temps semble avoir épargné. Habillé simplement d'une tunique blanche à manches courtes ornée de motifs runiques. Il s'était plongé dans un état second, qui lui permettait de maintenir ces fonctions vitales et de recharger son flux de mana qu'il avait épuisé lors de son dernier combat, il y a 21 ans. L'intendante venait tous les jours faire sa toilette, le rasait quand c'était nécessaire et surveillait son état général. Elle prit enfin la parole :
- Gorki, a-t-il montré de quelconque signe de son réveil?
- Je sens qu'il se passe quelque chose, le mana qui circule dans son corps n'est plus en harmonie. Cela peut vouloir dire que son réveil est proche ou une nouvelle prophétie, qui sera révélée.
- Je descends chercher le seau d'eau, la bassine et son linge propre. Veux-tu bien lui ?ter sa tunique pour aider une vieille dame dans sa pénible tache ? Lui demanda Lily en esquissant un léger sourire.
- Profites-en pour me rapporter mon nécessaire d'écriture et un parchemin vierge, vieille dame, sait on jamais ! Lui dit-il en retournant son petit sourire.
La régisseuse reprit sa canne et parti de son pas boitillant, refermant délicatement la porte.
Gorki fut tiré de ces pensées, à l'extérieur les nuages c'étaient assombris, tournoyant en spirale créant un vortex zébré d'éclairs sans émettre aucun bruit, aucune déflagration. Le scribe senti son corps se contracter, ses poils de son corps se dresser. L'afflux de mana qui était à l'?uvre en devenait palpable. Toute cette magie plongea d'un coup, passant respectivement par la plus haute tour, s'insinua à travers le sol, descendit sans être arrêté par l'escalier en colima?on. Traversant de nouveau un plancher pour finir dans la chambre où se trouvait Gorki. Elle entra en résonnance avec le flux de mana de l'archimage, l'énergie fut totalement absorbée par sa chair. Le serviteur se précipita, mais une onde de choc s'expulsa du corps de Zaodja en le séchant en pleine course. Il alla s'écraser contre le mur avec une telle violence qu'il perdit connaissance instantanément.
à son réveil, le vieux Gorki, essaya de s'asseoir en prenant conscience qu'une ou plusieurs c?tes étaient fêlées. La position assise, dos contre le mur lui atténuait sa souffrance. Son ma?tre debout face à lui, lévitait à quelques centimètres du sol, semblait indifférent de l'état de son valet. Ses yeux opaques, figés de tout mouvement oculaire, le fixaient. Quand soudain, ses lèvres remuèrent, nul son en sortit, mais le scribe compris qu'il lan?ait un sort. Sept petits orbes de lumière s'élèvent au-dessus du mage, six partirent vers les accès extérieurs de la chambre. La septième virevolta proche d'une cloison, se posa délicatement et fut absorbée lentement. La porte se verrouilla toute seule, suivi de la fenêtre qui émit un clic. La voix de l'archimage fut tellement puissante que Gorki tressaillit.
Maintenant, les SEPT sont là !
à leur éveil, l'ombre se dissipera!
De leurs unions, le monde dépendra!
- Le premier, vivant avec les ombres, il fauchera !
- Le deuxième, dans son océan de larmes, le salut, il trouvera !
- Le troisième, dans son miroir, le reflet du quatrième appara?tra !
- Le cinquième, de son amie fidèle, le jugement se fera!
- Le sixième, de ces ténèbres, l'ennemi fuira !
- Quant au septième, de ces formes, il les réunira !
Prenez garde, ces serviteurs agissent déjà !
La reine, ne veut qu'une seule chose, son retour ici-bas !
Lily arriva devant la porte, le bras chargé d'un seau d'eau à moitié rempli, une petite bassine avec poignets et une nouvelle tunique pour son ma?tre. Elle avait également mis en bandoulière le nécessaire du scribe, dans lequel elle avait glissé un parchemin vierge.
L'intendante tapota du bout de sa canne pour signifier à Gorki qu'elle voulait rentrer. Un bruit sourd et un clac fut sa seule réponse. La vieille dame laissa tomber son chargement et mit la main sur la clenche. Une sensation désagréable lui fit lacher la poignée. Elle réitéra son action, mais rien ne se passa, la porte s'ouvrit devant une bien curieuse vision. L'archimage par terre, comme une poupée de chiffon qu'on aurait jetée là sans ménagement et son serviteur, le dos collé au mur qui reprenait difficilement son souffle.
- Pauvre fou, qu'as tu fait au ma?tre ? Je t'ai simplement demandé de lui ?ter sa tunique afin d'alléger mon fardeau, beuglat l'intendante.
- Vieille folle, lui lan?a-t-il, vient plut?t m'aider à me mettre debout qu'on puisse remettre le seigneur dans son lit.
Une fois la chose faite, il lui expliqua ce qui venait de se produire, n'omettant aucun détail hormis les paroles du ma?tre. Gorki réclama son nécessaire pour retranscrire la prophétie, puis il fit fondre un peu de cire rouge et imposa une rune qui scellat le tout. Ils quittèrent la chambre. Lily alla remplir un nouveau seau d'eau pour faire la toilette de leur ma?tre, Gorki, lui, se dirigea vers la bibliothèque qui se trouvait dans une autre aile du chateau.
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Une autre présence, qui avait assisté à toute la scène se décida enfin à passer à l'action. Une salamandre tachetée blanche et noir, aux yeux vairons sortis de sa cachette, un creux entre deux pierres dont le joint avait depuis longtemps disparu. Le batracien lézarda sur la paroi verticale à la recherche d'un endroit précis, qu'il trouva à la jointure du mur et d'une poutre rongée par les termites. Il se faufila dans le trou, la tête en première, se glissant entre la pierre et le bois sans être freiné dans son élan. Il lui fallut puiser de son agilité, sa persévérance pour se retrouver à l'air libre. La salamandre avait une vue d'ensemble de ce qui restait de l'immense cour intérieure. Il lui fallut plusieurs minutes pour descendre sans se faire repérer, parfois accélérant son allure, changeant constamment de direction, stoppant aux moindres bruits suspects. Arrivant sur la terre ferme, elle se cacha derrière un bloc de granit rose terme, certainement une tombe d'un être aimé, car devant la stèle, était posé un vase de fleurs fra?ches.
L'amphibien se mit debout sur ces pattes arrière, écarta les pattes de devant pour qu'elles soient perpendiculaires au sol. La forme de ses membres antérieurs changea, un des cinq doigts se rétracta au point de dispara?tre complètement sur chacune de ces pattes arrières, un des quatre doigts restant se pla?a à l'arrière, au bout de chaque phalange naquis des serres aiguisées. Ses talons émirent un craquement d'os quand leur sens s'inversa. La chair vint se coller aux articulations en fine couche, laissant appara?tre un léger duvet. Ce qui restait de la queue de la salamandre s'étira, les cartilages reprenaient leur place, des plumes commen?aient à percer la peau. La partie ventrale de cet être hybride se gonfla, l'intérieur semblait s'animer, l'abdomen se déforma, émit des sons de restructuration interne. L'opération continua également sur les membres supérieurs, ils s'allongèrent démesurément oblitérant la quasi-totalité des doigts restants. Une sorte de toile en épiderme vint former un triangle de la pointe du membre jusqu'aux c?tes de cet étrange animal, de géantes plumes d'un noir anthracite vinrent recouvrir toute la surface. La transformation était sur le point de s'achever, la colonne vertébrale fit grandir son cou de plusieurs centimètres. Le crane fut le dernier à subir des modifications, la gueule s'allongea et se solidifia, formant un bec puissant, plumes et duvets se mirent en place. Le corbeau fra?chement transformé fit bouger lentement ces ailes, l'une après l'autre, sautilla sur place, remua sa queue tout ébouriffée. Cette nouvelle métamorphose avait vidé le corvidé de sa force vitale, il devait fuir, être le plus discret possible, dans cet état, il ne pourrait ni attaquer, ni se défendre. L'oiseau fit quelques pas hésitant, accéléra son allure et pris son envol, effectuant un premier cercle pour recalibrer cette forme. Le second cercle lui permit de prendre de la hauteur, avec sa vision accrue, il scruta l'horizon, pour se faire un schéma mental des environs et sonda les courant d'air. La voie était libre, le troisième cercle serait son dernier dans ces lieux, il plana jusqu'au couloir invisible, les courants lui permettront de minimiser sa perte d'énergie vitale.
Le corbeau, maintenant, survolait la cour extérieure, là ou jadis, se trouvait une écurie, une basse-cour, ou les statues tr?nait fièrement. La fontaine centrale, depuis longtemps tarie recouverte de lierre et autres plantes grimpantes, était le seul vestige encore debout.
Un mouvement rapide, suivi d'un reflet capta son attention. Le corvidé changea brutalement de direction sans émettre le moindre bruit, il prit de la hauteur, cherchant un perchoir dans une partie ombragée du domaine. Il trouva refuge dans un hêtre centenaire, hors d'atteinte pour un humain, bien camouflé par un feuillage fourni. La dénommée Lily, marchait énergiquement, étonnamment droite pour une personne de son age et sans sa précieuse canne en bois de ronce. L'intendante s'arrêta, se mit à faire de grands signaux pour héler une personne hors champ. Le corbeau sautilla légèrement de branche en branche. Tentant de faire le moins de vent possible, pour ne pas être repéré. Il fit la mise en point de ses nouveaux yeux et vit enfin la seconde personne, Gorki, à plus de cent pas. Le serviteur essayait de trouver la bonne clé sur un trousseau fort fourni, lui permettant d'ouvrir la bibliothèque. Il pestait, mettant les clés dans la serrure, une a une. En levant de nouveau les yeux au ciel, il aper?ut la régisseuse qui lui faisait de grand signe. Elle était en grand danger.
Lachant son trousseau, il courut aussi vite que ses vieilles et frêles jambes lui permettaient. Le gnome arriva au moment même où Lily tomba à genoux, son corps faisait na?tre déjà ces premières gouttes de sueur, il avait le souffle court, impossible pour lui de prononcer un seul mot. Le domestique souffla longuement, luttant pour respirer convenablement, il réussit finalement à ouvrir la bouche et à demander :
- Lily, qu'est-ce qu'il se ...
Gorki n'eut pas le temps de finir sa phrase. La vieille dame, lui enfon?a une dague dans la gorge, la retirant, ce qui fit gicler du sang marron de la plaie et quelque gargouillis, elle lui perfora le c?ur la seconde d'après et finit par sectionner, dans un mouvement fluide, sa colonne vertébrale, à la base de sa nuque, lors de sa chute à terre. L'intendante essuya sa lame sur les fripes du serviteur mort et rengaina son arme dans un étui caché à la ceinture.
La régisseuse fouilla dans les poches du défunt pour trouver le parchemin scellé. Elle se remit rapidement debout avec une certaine souplesse, s'étira le cou, détendit ses épaules en les faisant craquer. Un grésillement capta l'attention de la meurtrière, une ombre se matérialisa derrière une statue d'un mage, couvert de mousse et décapité par le temps et les intempéries.
- Parle ! Dit une voix sourde qui ne correspondait plus à celle de Lily.
- J'ai accompli la mission que vous m'avez demandée Ma?tre, la cible était en train de puiser de l'eau au puit, je lui ai brisé la nuque et jeté son corps.
- As-tu été repéré ? Dit-elle sur un ton autoritaire.
- Non Ma?tre.
- Rentre et questionne le nain, s'il refuse, trouve son point faible, il y en a toujours un !
- Il sera fait selon vos désirs mon Seigneur.
- Et trouve moi un sage capable de briser un sceau runique !
- Bien Ma?tre. Il sera fait selon vos désirs. Dit il en s'inclinant le plus bas possible.
Le corbeau, après avoir assisté à cet effroyable meurtre de sang-froid, décida d'attendre tapi dans les fa?nes et le feuillage vert du hêtre. Il était sur le qui-vive. Chaque bruit qu'il percevait, pouvait lui signifier un danger imminent. Son instinct lui dictait de rester caché. L'oiseau sorti de sa cachette une dizaine de minutes après le départ de l'être, qui c'était fait passer pour l'intendante et de son acolyte. Il prit rapidement de la hauteur, battit ces ailes anthracite frénétiquement, créant un maximum de distance entre lui et le sol. Le terrain sous lui était jonché de morceaux de statue recouverts de lierre à feuilles blanc et vert, de mousse aux différentes couleurs, les vestiges d'une tente en toile, or et rouge virevoltant au grès du vent, des gravats mis à l'écart du sentier principal pour faciliter l'accès aux serviteurs présent sur place. L'oiseau dépassa ce qui avait été jadis un pont-levis entouré par deux énormes piliers en pierre. Il aper?ut l'orée d'un bosquet, son salut était proche. Il zigzagua entre les branches et les troncs d'arbre, lui permettant d'esquiver toute sorte de projectile, en prenant bien soin de jamais reproduire le même schéma, de changer de rythme, il perdait du temps et de l'énergie à faire cela, mais il ne pouvait sans résoudre. Le corbeau dépassa les derniers arbres, il capta un premier courant d'air chaud pour gagner en altitude, un second puis un troisième qu'il le fit planer au-dessus de la couronne montagneuse. Un ultime regard en arrière, scrutant l'horizon, personne ne l'avait suivi, pas même aper?u, il écarta ces ailes le plus possible, plana quelques secondes et piqua en fondant droit vers les nuages. Le corbeau puisa dans ces dernières forces afin de se rendre dans son ?le, son refuge. Exténué, n'ayant plus aucune once de mana en lui, luttant depuis des heures, son corps lui réclamait du repos. Enfin, Lyk était chez lui, le sommeil ne lui laissa aucune chance, il s'endormir à même le sol.
Quelques minutes après le départ du volatile noir comme le charbon, la dénommée Lily marchait vers ce qui était jadis, un jardin somptueux, aux mille couleurs. Le jardinier chargé de l'entretenir avait rendu son dernier souffle, il y a une dizaine d'années. Depuis, la nature avait repris le dessus. Tout était recouvert de ronces, mousses, mauvaises herbes en tout genre et des petits arbrisseaux aux feuilles acérées étaient sortis de terre pour étouffer les végétaux environnants.
La servante sous contr?le, avan?ait sans marquer d'arrêt, malgré les entraves naturelles jonchées au sol. à chaque pas que la vieille dame faisait, apparaissait des traces de sang sur ses vêtements en lambeaux. Une multitude d'épines se plantaient dans la chaire de ses mollets, faisant ruisseler l'hémoglobine le long de ses frêles chevilles et pourtant, elle ne criait pas. La domestique s'arrêta près d'un arbre au tronc massif avec des branches tortueuses.
Un homme encapuchonné sorti de la pénombre. Il avan?a lentement vers Lily, leva l'objet qui était dans sa main droite puis le pointa sur la malheureuse ensanglantée.
- Je ne dois pas laisser de traces de mon passage, dit il, en se délectant de cette scène.
Une force mystérieuse attrapa l'intendante, la serrant à la gorge avec force. La tête de celle-ci devint écarlate, ses yeux commen?aient à sortir de leurs orbites. Son corps fut pris de soubresaut, elle suffoquait. La pauvre femme avait à présent l'?il vitreux et le sang dégoulinait de son nez. La pression exercée sur sa gorge fut tellement puissante, qu'il y eut un bruit d'os qui craque. Le corps tomba au sol.